Trois sénateurs veulent contraindre Apple et Google à ouvrir plus grand leurs magasins d’applications mobiles, accusés d’étouffer la concurrence et d’enrichir indument les géants des technologies aux dépens de potentielles start-up innovantes.
Les démocrates Richard Blumenthal et Amy Klobuchar, et la républicaine Marsha Blackburn, ont déposé un projet de loi pour réguler ces plateformes et changer leur modèle économique.
Si elle était votée, elle empêcherait notamment ces sociétés d’obliger les éditeurs d’applis à utiliser leur système de paiement, un des griefs de nombreux développeurs. Apple et Google ne pourraient plus privilégier leurs propres logiciels non plus, comme les messageries ou services de géolocalisation.
Les deux voisins de la Silicon Valley dominent le marché de la distribution des applications mobiles dans le monde entier à travers leurs systèmes d’exploitation, Android (Google) et iOS (Apple). Un marché de 33 milliards de dollars en 2020 aux Etats-Unis, soulignent les trois sénateurs dans un communiqué.
« Pendant des années, Apple et Google ont écrasé les concurrents et maintenu les consommateurs dans le noir. Ils ont empoché de coquettes sommes tout en se faisant passer pour les gardiens bienveillants du marché », attaque Richard Blumenthal.
« Cette proposition de loi soutenue par les deux bords politiques va faire tomber les murs coercitifs de l’économie des applis, donner plus de choix aux consommateurs et une chance de survie aux petites start-up », a-t-il résumé.
Une loi proconcurrence
Le Wall Street Journal s’est intéressé de près à cette loi. Selon lui, elle imposerait des restrictions à l’App Store et au Play Store, en particulier sur les règles qu’ils peuvent imposer aux développeurs d’applications.
Bien entendu, une telle loi vient bien entendu apporter une réponse aux débats qui ont entouré le procès Epic vs Apple, qui a notamment porté sur la capacité d’un développeur –Epic Games en l’occurrence- à proposer des achats in-app sans passer pas les systèmes de paiement d’Apple. Google avait d’ailleurs exclu Fortnite du Play Store pour cette même raison peu de temps après Apple.
Richard Blumenthal a commenté la loi qu’il vient de co-déposer ainsi : « Pendant des années, Apple et Google ont écrasé leurs concurrents et maintenu les consommateurs dans l’ignorance – empochant des gains considérables tout en agissant comme des gardiens soi-disant bienveillants d’un marché de plusieurs milliards de dollars. Ce projet de loi partisan contribuera à briser la mainmise de ces géants de la technologie, à ouvrir l’économie des applications à de nouveaux concurrents et à donner aux utilisateurs de téléphones mobiles davantage de contrôle sur leurs propres appareils. »
Vers la fin des 30 % de commission ?
Baptisée « Open App Markets Act », cette potentielle nouvelle législation – si elle était votée bien sûr – contraindrait les deux géants du Web à revoir complètement le modèle économique actuellement en œuvre sur les magasins d’applications App Store et Play Store. L’idée des sénateurs étant de mettre fin à ce « duopole ».
« La législation aiderait à créer un marché des applications plus compétitif qui stimulerait l’innovation dans l’économie numérique et offrirait plus d’options aux consommateurs américains » précise dans un communiqué la Coalition for App Fairness , associée à ce projet de loi. À l’heure actuelle, Apple est seul décideur sur iOS avec son App Store, et si des concurrents existent sur Android, c’est bien le Play Store de Google qui domine le marché de la tête et des épaules.
Cette position dominante a d’ailleurs été à l’origine d’un conflit qui oppose toujours Epic Games et Apple, lequel a éliminé le jeu phare du premier – Fortnite – de son App Store dès que celui-ci a trouvé un moyen d’échapper aux 30 % de commission imposés par la firme de Cupertino.
Cette commission reste au cœur des critiques du groupe de sénateurs qui souhaitent mettre un terme à ce système. Bien sûr, Epic Games voit ce projet d’un bon œil et souligne qu’il permettrait « d’uniformiser les règles du jeu ».
Apple commente, Google se tait
Apple a commenté le dépôt de cette loi en affirmant que son App Store « est la pierre angulaire de notre travail pour connecter les développeurs et les clients d’une manière sûre et digne de confiance. Le résultat a été un moteur sans précédent de croissance économique et d’innovations. » Sous-entendu : ils n’ont pas été les seuls à en profiter et la croissance générée par l’App Store a rayonné en dehors des bureaux d’Apple.
Google pour sa part n’a pour l’heure pas souhaité commenter ce dépôt de loi. Déjà en juillet dernier, 36 états américains s’en sont pris à la firme de Mountain View en l’attaquant en justice pour ses pratiques jugées monopolistiques sur le Play Store.